Lettre de l’archevêque suite à sa visite pastorale

VISITE PASTORALE
DE L’ENSEMBLE PAROISSIAL DES CÔTEAUX
7-8, 11-12, 17-18 mars 2017

CHARTE DE LA VISITE
le samedi 13 mai 2017

 

Ces trois fois deux jours passés chez vous, avec vous, frères et sœurs des Côteaux, m’ont réjoui. Rencontres précieuses à Boulogne-sur-Gesse d’abord, puis à l’Isle-en-Dodon, enfin à Aurignac, avec les particularités propres à chacune de ces communautés. D’emblée, c’est sur ce mot, sur cette réalité de communauté que je voudrais partir, avant de revenir sur des moments qui m’ont marqué et de donner quelques perspectives et recommandations. Je fais ce bilan prospectif avec l’aide de mes notes et des réponses faites à un Questionnaire qui vous a été envoyé largement et auquel vous avez pu répondre.

 

  1. Nos communautés et leur dynamisme

Curieusement, le mot de « communauté » ne se trouve guère dans le Nouveau Testament : on le repère deux fois en saint Matthieu, deux fois dans les Actes et une seule fois dans la première lettre de saint Pierre (134 fois dans l’Ancien Testament, surtout dans livre des Nombres). Le mot de « communion » n’est guère plus représenté (16 fois dans le Nouveau Testament. Par contre, le mot « disciple » revient 265 fois dans les quatre Évangiles et les Actes, et seulement deux fois dans les lettres de saint Paul (4 fois dans tout l’Ancien Testament). Le mot « frère » est très présent dans les Évangiles et les épîtres (plus de 300 fois).

Comme chrétiens, nous sommes donc des disciples et des frères : nous n’avons qu’un seul maître et nous avons besoin de nous rassembler dans l’attention à sa Parole et l’accueil de l’Esprit Saint, qui fait notre unité (4 fois dans le Nouveau Testament, dont Jn 17, 23 : « Qu’ils deviennent parfaitement un ») dans la diversité. Ma mission de pasteur de ce diocèse, comme celle du pasteur que je vous ai envoyé, l’abbé Damien Verlay, est de nourrir et de développer cette unité diversifiée.

Le danger de nos communautés paroissiales, surtout avec des moyens limités ou éparpillés en rural, est le cloisonnement, la sclérose ou la mainmise de quelques personnes sur des services. Je demande dans tout le diocèse que nous formions des communautés de proximité, où les gens se connaissent et se concertent, dans la « conspiration » du Souffle de l’Esprit Saint. Ceci ne veut pas dire que ces communautés se ferment ou deviennent autosuffisantes : toute communauté ecclésiale doit être ouverte à tous et en même liée aux autres communautés. Seul un diocèse –  ou Église locale – est pourvu de tous les moyens d’annonce de la foi, de célébration de la foi et de service au nom de la foi ; en outre, chaque diocèse est en communion avec tous les autres, autour de l’Évêque de Rome, qui « préside à la charité » de l’Église universelle.

Concrètement, il est vital que les diverses paroisses  se connaissent, se prêtent aide et assistance, mettent en commun leurs moyens, sans vouloir faire une soupe uniforme (avec mixer) de nos communautés locales, qui ont une histoire, un patrimoine et une grâce propre. Par exemple, le déplacement de chorales sur les trois lieux de votre ensemble paroissial est un signe précieux de cette mutualisation. Il est indispensable à cet égard, que l’équipe d’animation pastorale se rencontre fréquemment et permette que les services paroissiaux se mettent à la disposition de l’ensemble autant que possible. Il convient aussi que les acteurs des paroisses soient en lien avec le diocèse, avec les services diocésains qui sont disponibles pour les aider, notamment pour les différentes formations proposées. Non, vous n’êtes pas coupés du diocèse, même si les distances rendent les relations un peu plus difficiles ! Les sensibilités humaines, ecclésiales et spirituelles sont nombreuses : il faut éviter que les différences ne deviennent des divergences ou des oppositions. Les chrétiens-relais – « reliés » au pasteur – dont on m’a plusieurs fois parlé, ont un rôle important dans cette « conspiration » pour l’unité, malgré les difficultés.

Je tiens particulièrement à ce que j’appelle depuis longtemps la complémentarité, c’est-à-dire à cette structure ecclésiale tripartite : les laïcs, les ministres ordonnés et les membres de la vie consacrée. Les premiers sont les plus nombreux et souvent généreusement engagés dans nos paroisses, avec les responsabilités qu’ils savent accepter et exercer ; les prêtres, qui sont les pasteurs, singulièrement le curé, avec l’aide des diacres ; les consacrés, religieux et religieuses, vierges consacrées, membres de communautés nouvelles ou d’instituts séculiers. À cet égard, une plus grande attention des uns aux autres est souhaitée par beaucoup, pour éviter des tensions douloureuses et stériles.

Les réponses au questionnaire vont clairement dans ce sens. Vous souhaitez des communautés ouvertes, accueillantes, ou, en d’autres termes, fraternelles et chaleureuses ; je lis même « conviviales ». Une meilleure communication ou concertation s’avère nécessaire. Chacun peut y mettre du sien, pour que chacun trouve sa place, des anciens aux plus jeunes, pour que les célébrations soient plus vivantes, plus audibles, plus joyeuses, depuis l’accueil à la porte de l’église jusqu’au temps que l’on prend à la fin de la messe à certaines occasions pour un verre de l’amitié. L’accueil au presbytère n’est pas moins important : il est parfois difficile aux gens de faire la démarche et de venir frapper ; facilitons-leur cette initiative et allons autant que possible au-devant d’eux. Tout ceci existe et doit être patiemment développé. Je me réjouis de lire que vous souhaitez davantage de moments de prière sous diverses formes en dehors la messe (veillées, groupes de prière, adoration, processions). Comment aller ensemble en mission, faire des « missions » renouvelées ?

Je suis édifié de voir comment vos communautés ont le souci d’accueillir ceux qui sont dans le besoin. Avez-vous des liens avec le Secours catholique ? Vous avez généreusement reçu des Albanais au Prieuré de Boulogne, que nous avons rencontrés ; ils sont maintenant dans une maison individuelle et une équipe s’occupe d’eux ; il faut seulement faire attention à l’irrégularité de leur situation. À Boulogne encore, nous sommes en lien avec la municipalité pour recevoir des migrants, ce que nous faisons et avons à continuer dans le diocèse.

Il faut veiller à ce qu’on appelle l’intergénérationnel, ce mot long et lourd, mais qui recouvre tous les âges de nos communautés, même si certains sont plus représentés que d’autres ; j’ai vu le dynamisme des jeunes en plusieurs occasions, notamment lors de la marche suivie de la veillée à Anan ; j’ai constaté la délicatesse de ceux et celles qui s’occupent des personnes âgées ou aînées, dans les maisons de retraite ou ailleurs. N’ayons pas peur de développer le relationnel et les liens d’humanité, jusqu’à la tendresse, comme nous y invite le pape François.

 

  1. Lieux et moments marquants de la Visite
  • Vos trois églises principales sont belles, chacune avec son style, depuis la noblesse haute de Boulogne, la puissance un peu châtelaine de L’Isle, à la chaude et douce largeur d’Aurignac. L’église de Péguilhan, remarquablement restaurée nous a entendus chanter les Vêpres. J’ai parlé de l’église d’Anan. À Saint-Frajou, par une après-midi radieuse, j’ai aimé le temps de prière que nous avons eu, après avoir entendu résumer la belle histoire du lieu (par le professeur Souriac) et avant de descendre à la chapelle en contrebas. À Sainte-Radegonde, une chapelle très ancienne aux beaux vitraux, nous avons rejoint des pèlerins que nous devions retrouver le soir à Notre-Dame de Saint-Bernard. Avant d’y arriver, nous avons passé un moment de qualité à l’église rénovée Sainte Marie-Madeleine de Montoulieu-St-Bernard, en présence du maire et des habitants.

Je suis heureux de vous voir aimer vos églises. Merci à ceux qui s’en occupent, depuis les communes ou les associations qui les prennent généreusement en charge, jusqu’aux personnes qui les ouvrent et les entretiennent. Notre joie est de les voir remplies par les communautés, avec les pierres vivantes de nos assemblées, pour qu’en sortent les disciples, frères et sœurs, porteurs de la Bonne Nouvelle de l’Évangile.

  • Les rencontres avec les maires et les membres des équipes municipales ont été respectueuses et franches : un déjeuner à Boulogne, un bon moment dans la salle municipale de Saint-Frajou, reçus par le jeune maire du lieu. Un déjeuner avec le Sénateur-Maire de Boulogne et le Président de la Communauté de communes a permis un dialogue de qualité. Une authentique pratique de la laïcité nous fait partenaires du bien commun de ceux dont nous avons la responsabilité : l’Église catholique est l’affectataire exclusif des églises et chapelles construites avant la loi de séparation de 1905 ; elles sont affectées au culte et toute autre utilisation doit respecter cette destination première. Dans l’ensemble, nous devons nous féliciter des relations avec les mairies ; il est indispensable que nous restions en lien, non seulement pour les travaux à faire et pour l’entretien, mais aussi pour le soin avec lequel nous avons à garder et développer notre patrimoine immobilier et spirituel.
  • J’ai aimé de « faire » les trois marchés de Boulogne, de l’Isle et d’Aurignac. Moments de rencontres insolites et joyeuses, d’où j’ai ramené quelques produits locaux de qualité (fromage et pain, saucissons).
  • Des rencontres privilégiées :
  • Rencontres avec l’équipe d’animation pastorale ou avec le trio du secteur dans une belle convivialité.
  • La maison de retraite de Boulogne, première rencontre de cette Visite pastorale, qui m’a impressionné par le nombre des pensionnaires et la qualité du climat  et de l’ambiance ; les personnes âgées de l’Ehpad se disaient contentes, et on le sentait (salle de relaxation musique, couleurs et parfums). Le directeur a été avec nous pendant deux heures.
  • Une exploitation à Péguilhan, nous a permis de comprendre combien les élevages liés au foie gras ont été fragilisés par la grippe aviaire liée au vol migratoire. Le Sud-Ouest est le producteur le plus important de foie gras et les Français consomment 70% de la production. Comme en bien des domaines du monde agricole, la mutualisation du matériel devient nécessaire.
  • Des initiatives de qualité et de proximité nous ont touchés, où voisinent chevaux, poules et lapins, dans le cadre d’un jardin et à proximité d’un moulin qui fonctionne. Il est difficile d’équilibrer le rentable et l’humain dans un équilibre qui puisse durer.
  • Visites chez une herboriste, voisine d’un boulanger rencontré au marché de Boulogne, dans une étable gérée à une échelle « humanisée » (fromage reçu au marché).
  • À l’Isle-en-Dodon, nous avons été sensibles à des engagements en faveur de l’emploi des jeunes, en vue de faciliter leurs projets. Ils sont impliqués dans la réflexion et dans l’action.
  • Visite très intéressante de l’exploitation, elle aussi « humanisée », d’un beau troupeau de vaches et de veaux uniquement nourris d’herbe, en pâture permanente à l’extérieur, sur Aurignac.
  • Passage à la salle de sport d’Aurignac pour un match de basket, et rencontre avec l’entraîneur et les jeunes.
  • Visite du musée préhistorique d’Aurignac.

 

  1. Perspectives et recommandations
  • Travailler à l’unité dans la diversité ; c’est ma première mission, avec vos pasteurs et chacun de vous. Favoriser le dialogue, la rencontre, la coopération, la communication, la concertation. Faire confiance. Donner sa confiance.
  • Soigner l’accueil à tous les niveaux. Entendre les gens ; expliquer, informer sur le diocèse, sur l’Église, sur le Vatican. Avancer patiemment.
  • Motiver les parents des enfants du catéchisme. Développer l’éveil à la foi des enfants et, par le fait-même, l’approche des parents. Avec le service diocésain, implanter une catéchèse des adultes. La préparation au mariage peut s’avérer catéchuménale ; des personnes se proposent pour accompagner les jeunes mariés. Vous savez que le nombre des catéchumènes adultes ou des adultes demandant la confirmation augmente dans notre diocèse d’année en année. Suivre les divers groupes de jeunes: lien avec les écoles, les collèges ; aumônerie ; scouts et guides ; Mej, etc.
  • Donner le goût de la Parole de Dieu, avec divers groupes de partage biblique, d’échanges sur les textes lus dans la liturgie.
  • Préparer des liturgies de qualité, avec la participation de lecteurs et lectrices formés, de personnes capables de faire chanter l’assemblée, de préparer les prières universelles ; participation de servants d’autel et de servantes de l’assemblée formés. Faire droit à diverses sensibilités dans le respect des lois de la liturgie. On attend des célébrations plus joyeuses, plus attirantes (participation d’instrumentistes), moins formelles. On souhaite aussi plus de silence à la messe ou à d’autres célébrations. L’organisation des messes n’est pas une chose simple ; les prêtres sont généreux pour cela, mais ne peuvent pas satisfaire toutes les demandes (fêtes locales). Il convient de favoriser des célébrations significatives avec des assemblées en lieu et heure fixes le dimanche (avec covoiturage suggéré). Ne pas oublier de proposer le sacrement de la réconciliation et celui des malades.
  • Développer la diaconie, avec toutes les formes de présence aux pauvres, aux exclus, aux personnes isolées ou en précarité, en lien avec ce qui se fait dans le diocèse à cet égard. Accueil des migrants ou de réfugiés. Je vous encourage à créer une équipe du Secours catholique. Sensibiliser à la solidarité. L’Oustal des Pyrénées, lié à trois diocèses (Auch, Tarbes et Lourdes, Toulouse), peut être un partenaire de qualité dans ce sens, dans le milieu rural ; j’ai demandé au responsable diocésain de la diaconie de l’accompagner, en lien avec la paroisse.
  • Sortir au-devant des gens, les interpeller comme vous l’avez fait dans le Questionnaire. Aller dans les associations diverses, sur les marchés, chez les malades, dans les familles, dans les écoles.
  • Plusieurs suggestions ont été faites pour favoriser la convivialité et la fraternité entre les disciples missionnaires :
  • Des soirées de louange et des temps d’adoration. Je suis témoin de belles et joyeuses animations.
  • Des temps forts musicaux, dont des concerts de Gospel, par des groupes qui fassent ressortir la dimension spirituelle chrétienne de ces chants.
  • Des processions ou marches spirituelles sur des lieux symboliques.
  • Des groupes de prière, y compris de pères ou de mères.
  • Des temps d’enseignement ou de réflexions, pour des gens engagés ou pour des gens plus éloignés ou non-chrétiens.
  • Des verres de l’amitié au moins une fois par mois.
  • Des pique-niques conviviaux et des omelettes pascales !
  • Des crèches vivantes à Noël.

J’ai apprécié les conseils que vous avez donnés pour une plus grande fraternité :

  • Organiser des rencontres et des temps de partage.
  • Allez vers les autres et soyez rayonnants, soyez souriants.
  • Soyez fraternels en Église.
  • Soyez caritatifs et vivez l’Évangile au quotidien.
  • Allez régulièrement à la messe. Apprenez à savoir et à apprécier ce qui s’y vit.

Conclusion

Votre jeune curé vous bouscule, vous le bousculez aussi. Un beau travail se fait dans le temps avec l’aide de chacun et de tous. Nos communautés chrétiennes ont besoin de la grâce propre à chacun : à nous de la découvrir et de l’épanouir. Nous continuerons, ici et dans le diocèse, à nous inspirer du travail fait dans les sessions Pasteurs selon mon Cœur, pour entrer dans l’esprit du chapitre 10 de saint Jean. Ensemble, nous buvons et mangeons à la source de la Parole de Dieu et des sacrements : nous sommes convives, nous « vivons ensemble », réunis à la même table. Jésus, le Bon Pasteur nous affirme qu’il est venu pour nous ayons en lui  la Vie, la Vie en abondance (Jn 10, 10). Il est le Prince de la Vie qu’annonce Pierre en de ses premiers discours d’après la Pentecôte (Ac  3, 15). Convives, nous devons « conspirer », pour que l’Église et nos communautés « grandissent dans la charité » (Prière eucharistique 2), sous l’influence de l’Esprit Saint que nous avons reçu et à qui nous demandons qu’il fasse mûrir en nous son fruit multiforme : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi.

Nous avançons ensemble, en diocèse, à la suite de Jésus qui nous attire vers le Père. À nous aussi d’engager les gens à se joindre à nous dans ce pèlerinage joyeux qui nous conduit à sa maison. Les Psaumes graduels sont des chants qui nous aident à cheminer ensemble, guidés par Jésus, qui accompagnait les disciples d’Emmaüs et se faisait leur catéchète.

Je lève les yeux vers les montagnes :
d’où le secours me viendra-t-il ?
Le secours me viendra du Seigneur
qui a fait le ciel et la terre.

Le Seigneur te gardera de tout mal,
il gardera ta vie.
Le Seigneur te gardera au départ et au retour,
maintenant, à jamais
(Ps 120, 1-2, 7-8).

L’évangile du 5e dimanche de Pâques, où je conclue cette Visite pastorale confirme les orientations données. Jésus nous invite à croire en lui, à développer notre attachement à lui, pour continuer son œuvre et même faire des œuvres plus grandes encore (Jn 14, 11-12). Il se révèle à nous comme « le Chemin, la Vérité et la Vie » (14, 6), ce qui nous encourage dans une de grandes orientations, qui est l’accompagnement des personnes en leur cheminement propre (cf. Amoris lætitia). Gardons comme signe d’espérance ce résumé des Actes des Apôtres entendu ce dimanche à la messe : « La parole de Dieu était féconde, le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres juifs parvenaient à l’obéissance de la foi » (6, 7). Saint Pierre nous rappelle aussi que nous sommes « un peuple destiné au salut, pour annoncer les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2, 9).

Avec vous de tout cœur, sous la protection de Notre Dame de Fatima, en ce 100e anniversaire de sa première apparition aux jeunes bergers, Jacinthe, François et Lucie, le 13 mai 1917, dans la joie de la procession partie de Montbernard.