TENSION ENTRE CIEL & TERRE : AU-DELÀ ! QU’Y-A-T-IL AU-DELÀ ?

« Ceux qui n’acceptent pas la donnée de la foi errent à l’aventure dans les ténèbres, à la merci d’opinions incohérentes, contradictoires, inconsistantes, aussi invraisemblables pour l’esprit que peu satisfaisantes pour le coeur. La plupart ne prennent pas la peine de dissimuler le tourment dans lequel les jettent ces graves questions, pour eux sans réponse, ces redoutables problèmes, pour eux sans solution. Ils ont inventé une expression pleine de mélancolie qui en même temps qu’elle peint bien leurs incertitudes, trahit avec non moins d’évidence leurs douloureuses préoccupations : l’au-delà ! Tandis que nous disons, nous, nettement, clairement, hardiment : le ciel, l’enfer, la vie future, l’éternité, ils disent, eux, vaguement, tristement : l’au-delà ! Les mystères, les problèmes de l’au-delà !

Mot qui ne précise rien, qui ne nie rien, mais qui n’affirme rien sur l’existence et les conditions de la vie future ; et qui accuse visiblement les tourments d’un coeur qui s’agite dans le vide, les angoisses d’une âme qui erre dans les ténèbres, ignorante du terme, incertaine du chemin, craignant à chaque instant de tomber dans l’abîme. » Bulletin de la pieuse archiconfrérie de ND du Suffrage, 1907, p. 174-175

Apparu au 19°siècle, ce changement de vocable – du « Ciel à l’Au-delà »  – marque un changement de paradigme : le champ de cohérence de la vie après la mort n’est plus aujourd’hui majoritairement celui de l’Eglise, en France : il est devenu en vérité celui du spiritisme, un « au-delà » fait de communication avec les morts par la médiation de médiums, qui apportent une parole de « consolation » aux familles qui donnent foi à leurs dires.

Donner foi ; une croyance, même si le spiritisme s’est voulu dès ses débuts « scientifique », son fondateur, le français Hippolyte Rivail (1804-1869), étant un pédagogue français positiviste. Convaincu de la réalité des phénomènes de tables tournantes, il prend le nom d’Allan Kardec qu’il portait, selon lui, lors d’une vie antérieure où il était druide… Kardec, positiviste spirite, prétendra que le spiritisme n’est pas une religion mais une science, se servant des travaux de l’allemand Franz Anton Mesmer (1734-1815) pour affirmer que le « magnétisme animal », sorte de fluide, est le canal utilisé par les esprits pour se manifester (Mesmer, ça ne vous dit rien ?).

Et il attirera dans son mouvement de nombreuses personnalités de l’époque, comme Victor Hugo (1802-1885), George Sand (1804-1876), Emile Combes (1835-1921) instigateur de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905, et Camille Flammarion (1842-1925) qui prononcera son éloge funèbre.

Dans le spiritisme, pas de résurrection mais de la réincarnation ; pas d’anges ni de démons mais uniquement des personnes défuntes plus ou moins bien attentionnées ; pas de Jésus Fils de Dieu ni Prophète mais un guide pour l’humanité ; on n’est plus dans le Dieu personnel du christianisme qui fait chacun de nous des êtres uniques, la porte est ouverte au panthéisme des philosophies orientales et nombre de spiritualités du New Age y ont adhéré.

Alors, catho ou spirite ?

Abbé Thierry Porral

Angelus 11.2023