Assez curieusement, le dimanche des Rameaux est fréquenté plus que celui de Pâques, huit jours après. Les gens aiment le concret et ils apprécient de rapporter chez eux des brins de buis, des tiges de laurier ou des branches d’olivier, un peu comme pour les cierges bénis de la Chandeleur le 2 février. La liturgie nous offre en effet du visible et du tangible, ce qui est cohérent avec le mystère de l’Incarnation, celui du Verbe fait chair. Récemment, nous fêtions la conception de Jésus dans le sein de la Vierge Marie, grâce à son consentement. Pourquoi dès lors ne pas fréquenter davantage la messe, où le pain et le vin, visibles, tangibles et savoureux, deviennent le Corps et le Sang de Jésus en personne ?
Il est vrai que dans cette étrange et dramatique Quarantaine, où le monde entier a été mis en retraite forcée, les fidèles n’ont guère la possibilité de venir à la messe. Il est dur pour les pasteurs que nous sommes de ne pouvoir rassembler nos communautés, comme il est difficile aux fidèles de ne pas recevoir les sacrements. Mais vous savez que vos prêtres – comme votre évêque – célèbrent la messe tous les jours en vous nommant et en vous retrouvant dans la grande communion ecclésiale, qui grandit tous ces jours en profondeur. Les uns et les autres rivalisent d’ingéniosité sur les réseaux sociaux pour vous permettre de participer autrement à l’Eucharistie quotidienne.
La célébration de ce dimanche ne sera pas marquée cette année par la bénédiction des rameaux : chacun trouvera, en lien avec les suggestions des pasteurs, les gestes spontanés qui rejoindront ceux de la foule acclamant celui qu’elle perçoit comme son Messie, « le fils de David », comme le rapporte saint Matthieu. Le printemps est arrivé avec la joie du renouveau de la nature. En ces semaines de confinement où plane l’ombre de la mort, nous avons bien besoin de ces germinations qui nous font du bien en nourrissant notre espérance.
N’oublions pas cependant que cette même foule qui agite ces branches aux feuilles tendres demandera la mort de Jésus, comme nous l’entendons dans la Passion selon saint Matthieu cette année. En effet, le texte dit clairement qu’avec Judas, « une grande foule armée d’épées et de bâtons » vint pour l’arrêter. Une foule est versatile, mais chacun de nous est fragile, et « nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine ». En ces jours d’angoisse et de souffrances, fidèles du Christ, disons notre confiance en notre Sauveur et crions-lui : « Sauve-nous ! », ce que signifie proprement Hosanna, en attendant de chanter l’Alleluia de la Résurrection.
+ fr. Robert Le Gall,
Archevêque de Toulouse